
A la fin de cette année, un fidèle collaborateur de la maison A. Michel S.A. nous quittera. Il s’agit de Charles Feutz qui aura passé 30 années dans cette maison comme chef mécanicien. Il est intéressant de retracer la vie d’un homme qui, peu favorisé dans sa jeunesse, sut arriver, par son goût au travail et sa volonté, à se faire une situation fort honorable.
Né le 8 juillet 1875 à Reconvilier, Charles Feutz fit ses premières années d’école dans son village. A neuf ans il perd son père et comme les ressources de sa mère sont très modestes, il est placé dans l’Oberland pour garder les chèvres. Après 18 mois, il retourne à Reconvilier pour terminer ses classes. Pendant les dernières années d’école, il profite de ses heures de loisir pour s’initier aux différentes parties de l’horlogerie. A 14 ans, alors qu’il devient orphelin, il entre comme horloger dans une fabrique de son village et subvient à ses besoins avec un salaire journalier de fr. 2.50 à 2.80.
Attiré par la mécanique, il entre comme apprenti mécanicien chez Henri Sandoz à Tavannes. A cette époque, non seulement l’apprenti n’était pas rétribué, mais payait encore une redevance. Pour pouvoir vivre, le jeune homme travaille encore comme horloger en plus de son activité à l’atelier.
Devenue ouvrier mécanicien, Charles Feutz entreprend aussitôt son « tour de France ». On le voit d’abord à St-Imier, à La Chaux-de-Fonds, dans le Jura vaudois, puis il passe la frontière. On le rencontre à Besançon, Marseille, Paris. Il se rend aussi en Allemagne, en Saxe, puis rentre en Suisse.
Au début du siècle, il faut un séjour de cinq à six ans dans la maison Adolphe Schild à Granges. Enfin le 3 septembre 1918, il occupe le poste de chef mécanicien dans la fabrique Adolphe Michel, poste où il restera jusqu’à la fin de la présente année.
Dès le début de son activité, Charles Feutz dirige un personnel assez nombreux, dont l’effectif, à un certain moment, atteint 40 ouvriers.
Des décolleteuses, des machines à tailler les pignons, dont bon nombre sont encore en fonction, ont été produites par l’atelier de mécanique. Des tours d’outilleurs, des tours de calibristes, des machines spéciales ont aussi été fabriquées. Certains d’entre elles furent exécutées suivant les plans de M. Feutz.
En 1900, Charles Feutz se marie et eut un fils, établi aujourd’hui près d’Oberburg. L’adversité qui l’accompagna durant sa jeunesse ne devait pas encore le quitter. Après quelque années de mariage, sa compagne donne les signes d’une maladie des plus tristes. En 1927, il place sa femme dans un établissement spécial, sachant qu’aucun espoir de guérison ne subiste. Malgré ses épreuves, Charles Feutz exécute toujours consciencieusement son travail, montrant une humeur enjouée et même malicieuse. C’est avec regret que nous voyons ce fidèle collaborateur nous quitter. Nous formons tous nos vœux pour qu’il jouisse d’une heureuse retraite, après une carrière si bien remplie. Nous garderons de lui le meilleur souvenir et c’est toujours avec plaisir que nous le reverrons parmi nous. [Ebauches Hauszeitung 1948]